Interview : « Il est difficile de trouver des personnes motivées et impliquées avec du savoir-être »

Magali ROCHARD occupe actuellement le poste de Responsable Recrutement au sein de l’entreprise d’emploi temporaire CRIT. Elle est chargée de recruter des profils de préparateurs de commandes et de caristes pour le compte d’une société de logistique. Pour mener à bien cette mission, Magali a rejoint l’implant CRIT sur le site en mars 2020 au moment de la crise sanitaire où les difficultés de recrutement se sont accrues. :

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Découverte du métier

 

Katia Auvergne : Bonjour Magali, pourrais-tu nous présenter l’agence d’Intérim CRIT dans laquelle tu évolues ?

Magali Rochard : Chez CRIT, nous travaillons avec des clients de différents secteurs d’activité. Nous recrutons pour eux des profils en CDD, CDI et Intérim. Nous existons depuis 1962 et nous avons des agences partout en France. Du sourcing de profils aux démarches administratives nous n’avons qu’un seul objectif : répondre aux besoins de nos clients et garantir une gestion réactive des ressources humaines de ces derniers.

 

KA : Quels sont selon toi les postes confrontés aux difficultés de recrutement ?

MR : Aujourd’hui, dans les médias, on ne peut pas passer à côté du corps médical qui a une réelle pénurie de profils et des difficultés à recruter sur ces métiers, d’autant plus avec la crise sanitaire actuelle. Dans mon activité actuelle : la logistique, la préparation de commandes est un métier où nous rencontrons une pénurie de candidats du fait notamment des facteurs suivants :

  • Un emploi physique avec des cadences à respecter
  • Une pression de rendement
  • Beaucoup d’heures supplémentaires qui peuvent à long terme être fatigantes
  • Un entrepôt ouvert avec des conditions climatiques compliquées en été et en hiver.

Tous ces facteurs sont un frein pour attirer les candidats potentiels et rendent difficiles les recrutements sur ces postes.

KA : Quelles sont les compétences « rares » de tes collaborateurs ?

MR : Aujourd’hui, sur le poste de préparateur de commandes, il est difficile de trouver des personnes motivées avec du savoir-être. Il est devenu très compliqué de recruter du personnel intéressé et impliqué sur ce type de poste. L’adaptabilité est aussi l’une des conditions nécessaires puisque les horaires sont changeants (travail les samedis et heures supplémentaires nombreuses).

 

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KA : Quelle est la politique de recrutement de CRIT face aux difficultés rencontrées ?

MR : Chez CRIT nous n’avons pas de procédure de recrutement définie, cela va dépendre des besoins de l’entreprise pour laquelle nous recrutons. Il existe des pics saisonniers où il est plus compliqué de trouver du personnel. Sur ces période-là, les recruteurs sont plus souples sur les typologies de profils. Nous regardons davantage le savoir-être au détriment du parcours professionnel. En revanche, en période creuse nous aurons plus d’exigences sur les expériences.

 

KA : Quelles actions mettez-vous en place chez CRIT pour recruter sur ces postes ?

LC : L’ambiance est importante, un climat social tendu va nécessairement attirer moins de monde. Dans certaines entreprises, les chefs d’équipe mettent beaucoup de pression ce qui rend les conditions de travail moins agréables.

 

KA : Penses-tu qu’il existe assez de moyens (salons, publicité, communication écoles etc.) mis en œuvre pour promouvoir ces métiers ?

MR : Pour les postes de préparateurs de commandes, nous essayons d’identifier les bons profils à former aux CACES (Permis chariot). Notre force c’est également le fait d’avoir plusieurs implants CRIT sur les sites directement, dans des domaines identiques et dans la même région. Entre collègues nous pouvons échanger les bons profils lorsqu’ils terminent leurs missions chez un client. Chez CRIT nous réalisons des job dating et des sessions collectives, c’est très bien notamment lorsqu’il y a plusieurs postes à pourvoir.

KA : En quoi, l’image de l’entreprise peut rendre difficile le recrutement sur les métiers de préparateur de commandes ?

MR : Notre bassin est restreint, si l’image de l’entreprise est négative. Les candidats sont très vite au courant et ne sont donc pas intéressés pour intégrer cette dernière. Il y a une perte d’attractivité. De plus, notre vivier est constitué à 50% des anciens intérimaires ayant déjà travaillé dans l’entreprise et que l’on replace ailleurs le temps de leur carence (délai à respecter après un certain nombre de contrats). Il est difficile pour nous de reprendre ces intérimaires-là si ces derniers ont une mauvaise image de l’entreprise.

 

KA : En quoi le manque de main-d’œuvre sur le terrain peut-il impacter l’organisation du travail ?

MR : Cela engendre une surcharge de travail pour les salariés présents. Ils finissent par être fatigués et commencent à chercher ailleurs. On ne peut pas demander à ces salariés de supporter la charge de plusieurs individus sur le long terme. En conséquence, le manque de main-d’œuvre a un impact direct sur la santé physique et mentale de nos collaborateurs actuels. Cette surcharge est d’ailleurs l’une des principales causes du taux de turn over et du taux d’absentéisme si élevés dans le domaine de la logistique

KA : Penses-tu que les nouvelles générations soient réfractaires à exercer certains métiers ? Si oui, pourquoi ?

MR: En effet, pour le poste de préparateur de commandes nous aurons de plus en plus de difficultés à trouver des candidats, parce que les nouvelles générations veulent des métiers qui soient bien payés avec peu d’heures, et de bonnes conditions de travail. Les anciennes générations n’étaient pas réfractaires à compter les heures, au port de charge et surtout ils ne n’étaient pas craintifs à l’idée de devoir affronter le travail même avec des conditions climatiques difficiles. Aujourd’hui, les nouvelles générations sont d’autant plus attachées au confort

KA : La présence d’alternants permettrait-elle de réduire significativement la pénurie d’embauches que subissent certains emplois ?

MR: Effectivement la présence d’alternants pourrait être un atout puisqu’une personne qui a travaillé en alternance plusieurs années acquiert de l’expérience professionnelle et a conscience des attentes du métiers. Nous aurions à la clé des personnes formées et de qualité pour nos postes en pénurie. Mais, il faut être réaliste : le poste de préparateur de commandes ne nécessite aucun diplôme.

KA : Penses-tu qu’il y ait assez de formations sur ces métiers ?

MR:Je pense, qu’il y a trop de formations, tout le monde aujourd’hui a la possibilité de passer un CACES. Les profils sont de moins en moins qualitatifs. Ces formations sont trop rapides et pas suffisamment formatrices. On se retrouve avec de nombreux profils qui ne correspondent pas aux attentes et qui n’ont pas les qualités requises pour être de bons préparateurs de commandes.

 

Conséquences et avenir

 

KA : A ton avis, quel est l’avenir de ces métiers ?

MR:Je pense que le métier de préparateur de commandes est voué à disparaître, on commence déjà à le voir avec les entrepôts entièrement automatisés. Ces métiers se font de plus en plus rares et, selon moi, ce métier va évoluer vers un métier de pilote de machine, au profit de l’automatisation, comme on peut déjà le voir dans certaines entreprises comme Amazon.

KA : Merci de m’avoir accordé du temps pour cet échange et d’avoir partagé avec moi et les futurs lecteurs ton ressenti vis-à-vis de cette problématique.

 

 

Pour conclure ces deux interviews, nous pouvons donc retenir que les raisons principales qui rendent le recrutement compliqué sur le poste de préparateur de commandes sont les conditions de travail difficiles et la rémunération peu attractive. L’avenir de ce métier est encore incertain, il risque à terme d’être remplacé par les machines. Nous ne savons donc pas si la tension est vouée à disparaître ou non sur ce métier, ce qui est certain c’est que nous continuerons à avoir des besoins en recrutement pour les pilotes de ces machines mais sûrement moins de difficultés à les recruter étant donné que nous n’aurons sûrement plus les contraintes liées aux conditions de travail.

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