
Instaurer des mesures de séparation en cas de départ d’un collaborateur et formaliser un système RH d'offboarding permettent à l’entreprise de mobiliser ses ressources. Ce sont aussi des enjeux majeurs pour son attractivité, notamment en cultivant sa marque employeur.
Et non, le concept "d’offboarding" ne se résume pas à un effet de mode passager introduit par le cynique "coupeur de têtes" interprété par Georges Clooney dans le film "In the air".
Selon une étude de la Dares Analyses[1], la démission reste le motif de rupture de contrat de travail le plus invoqué ; soit 40 %. Avec chacun un peu moins de 20 %, la fin de la période d’essai et le licenciement pour motif personnel (fautes ou incapacité) arrivent en deuxième et troisième position. Enfin, la rupture conventionnelle génère 10 % des ruptures de contrat. Les 10 % restants englobent les licenciements économiques et les départs en retraite.
Un départ ne se réduit pas au dernier jour et son classique pot accompagné d’une carte de vœux. Sa réussite réside dans la manière dont l’entreprise et en particulier les RH accompagnent un collaborateur sortant afin que son départ soit le plus fluide possible.Pour cela, il est primordial de mettre en œuvre des dispositifs impliquant le service RH et les équipes concernées.
Le constat est simple : l'offboarding de ceux qui partent impacte les collaborateurs qui restent. Ne pas considérer comme primordiales les conditions des salariés sortants, c’est ne pas accorder d’intérêt aux perceptions des témoins de ces départs à qui l’entreprise demandera de rester mobilisés. Par conséquent, la gestion des départs de l’entreprise repose sur 4 piliers :
Le départ d’un collaborateur est également l’occasion d’une prise de recul pour l’employeur. Lors de l’entretien de sortie effectué par le service RH et le manager direct, il est bon de demander au salarié de faire un bilan des points positifs et négatifs durant son passage dans l’entreprise.
L’employeur doit se montrer ouvert et à l’écoute pendant cet entretien. Ce bilan permettra de mobiliser les ressources et l’équipe pour rebondir et tirer profit de ce départ.
L’entreprise n’a qu’une occasion de faire une dernière bonne impression à ses collaborateurs qui s’en vont, et leur donner envie de continuer d’en être ambassadeur.
Lorsque les départs se passent bien, ces derniers nourrissent la marque employeur par effet ricochet. Les anciens salariés pérennisent la marque, continuent de véhiculer un bon retour sur l’entreprise tout en l’ayant quittée et ont donc un impact sur son image.
Comprendre l’enjeu de l’offboarding, c’est comprendre que faire vivre une expérience satisfaisante aux collaborateurs c’est nouer avec eux une relation qui commence avant qu’ils arrivent et qui ne se termine pas après leur départ.
Ce sentiment est renforcé par un autre phénomène, nommé "Boomerang rehire"[2]. Il consiste à réintégrer le salarié dans un futur plus ou moins proche. En effet, toujours selon l’étude de la Dares" de janvier 2018, près de 40 % des salariés quittant leur entreprise se disent prêts à y retourner à terme.
Le vice-président du global talent acquisition de LinkedIn, Bredan Browne, témoigne de son expérience à ce sujet : "J‘ai travaillé dans quelques entreprises qui m’ont complètement fermé la porte quand je leur ai dit que je voulais poursuivre d’autres opportunités. Leur réaction a changé négativement mon point de vue sur l’entreprise et a écrasé toute idée que j’aurais pu avoir de revenir un jour (…) mon séjour chez Microsoft est en revanche un bon exemple. Quand j’ai quitté mon poste il y a presque dix ans, mon équipe et mon manager étaient très positifs et encourageants. Huit ans plus tard, ça m’a donné envie de faire de nouveau partie de la famille Microsoft car la société m’a assuré que je garderai toujours une place chez eux."
Ces propos renvoient directement à la notion de marque employeur, miroir de toute entreprise qui souhaiterait diffuser l’image la plus positive d’elle-même en maintenant une bonne réputation auprès de ses anciens collaborateurs. Pour que la rupture ou fin de contrat ne marque pas la fin de la relation, il est important de rester en contact. Ce n’est pas parce qu’on ne travaillera plus ensemble qu’on ne doit plus échanger. On n’y pense pas toujours, mais recommander son ancien collègue sur LinkedIn peut vraiment l’aider.
Et cela fonctionne dans les deux sens : le réseau professionnel est constitué aussi d’anciens collaborateurs.
L’exit interview se formalise en un questionnaire, mené par le RH ou le manager, destiné à connaitre les raisons ayant motivé le départ d’un collaborateur. Il est plus particulièrement utilisé lors de démission afin de déceler d’éventuelles problématiques liées au salaire, au mode de management, à l’activité, etc. Selon Fabien Nuzzo, chargé de missions RH chez ENGIE, il s’agit d’un "réel outil stratégique pour l’entreprise qui permet un feedback du parcours du collaborateur sur ce qui a fonctionné et d’identifier les problématiques qui peuvent émerger.Dans un marché où les talents sont de plus en plus rares et difficiles à fidéliser, l’importance pour une entreprise de laisser une image positive au collaborateur est primordiale."
Gérer une rupture et/ou une fin de contrat dans une entreprise passe par la mise en œuvre d’outils ayant pour objectif de définir la « feuille de route » d’un départ réussi.Ce document développé autour d’un processus bien construit se révèlera un outil essentiel de qualité de vie au travail. En effet, l’employeur s’attachera à placer le collaborateur au centre de ses préoccupations et lui consacrera du temps et de l’attention jusqu’à son dernier jour de travail.Parmi ces pratiques, nous trouvons notamment :
Cette dernière permet de connaitre les motivations de départ, le ressenti de l’expérience collaborateur, afin de permettre à l’entreprise de constituer un feedback et ainsi de s’améliorer.
Certaines entreprises comme Bouygues Telecom vont encore plus loin dans la personnalisation de l’offboarding en proposant un accompagnement individualisé avec une mise en relation du salarié sortant et d’entreprises qui recrutent.
En bref, comprendre l’importance de l’offboarding c’est avant tout comprendre l’expérience collaborateur tout en appréhendant les enjeux RH actuels dans un monde où les parcours professionnels sont en constante évolution. Pour cela, il faut entrer dans un nouveau contrat culturel : se séparer n’est plus tabou et n’est plus synonyme d’échec…
A l’instar du divorce parfois envisagé par les couples comme une possibilité sans ce que cela soit vécu comme un drame, le fait de quitter une entreprise au cours d’une carrière est aujourd’hui une étape normale. Au final, elle peut même être bienvenue pour les deux parties, quelles qu’en soient les raisons. Elle peut et doit donc être préparée et accompagnée en tant que tel.